Comment s’y prendre quand on est allé trop loin ?

« Putain, mais tu fais chier avec tes… », « T’es vraiment qu’un sale mec… », « Vu ce que tu as fais, tu n’es vraiment qu’une s. … ». Vous vous êtes, parfois arrêté trop tard, une fois que les mots avaient dépassé vos pensées. Vous êtes conscient(e) que le problème ne se situe pas dans le choix des mots mais, bel et bien, dans la direction. Je m’explique. 

Nos mots sont des formes d’illustrations de nos pensées

Notre cerveau fonctionne à partir d’images. Il est possible d’inclure des images en mouvement, évidemment. Cette accumulation d’images construit notre corpus de pensées. Nous collectons ainsi, depuis tout petit, des milliards d’informations intelligemment organisées par thème, par situation, par lieux, par odeur, etc. Toute sensation est en relation avec une image. LIRE

J’aime beaucoup la scène du film « Ratatouille » de Disney : 

Anton Ego, y est l’un des critiques gastronomiques les plus puissants de Paris. Un jour, il décide de venir inspecter le restaurant d’Alfredo Linguini. Assis à sa table, il lève le nez de la carte et commande une ratatouille. Imaginez un personnage filiforme, le visage fermé. Il a de petits yeux, le menton anguleux et pointu. Habillé tout de noir, dans son costume très près du corps, il scrute la salle à l’affût de la moindre bavure. Avec un tel tableau, on pourrait se demander à partir de quoi ce critique gastronomique s’est construit. Quelles images de vie ce monsieur a-t’il rassemblées pour être l’homme dur et sec qu’il est devenu. C’est d’ailleurs un exercice intéressant à faire sur vous-même, étant donné que nous fonctionnons tous de la même manière. 

Le verdict émotionnel

Voici venu le moment où le serveur emmène l’assiette et la dépose sur la table du critique. 

Anton Égo, regarde l’assiette large, blanche, au milieu de laquelle se trouve une ratatouille magnifiquement présentée. Il saisit sa fourchette et pique dans l’assiette. Il porte la fourcheté à la bouche et, quand il mastique sa première bouchée, l’image change complètement en simulant un flash-back (retour dans le temps). On voit tout à coup Anton, enfant, joufflu, assis à table, dégustant une ratatouille cuisinée par sa maman. 

Cette scène illustre magnifiquement la réalité de notre fonctionnement cérébral. C’est une manière économique de fonctionner parce qu’elle est basée sur le renvoi à des événements connus dans le but d’optimiser notre efficacité. Notre cerveau réagit beaucoup plus rapidement face à ce qu’il connait que dans l’inconnu. De plus, nous faisons beaucoup moins d’efforts, voire aucun, grâce à ce fonctionnement par images cérébrales (re)connues.

Le problème survient dans les moments où les images accumulées dans votre gigantesque banque d’images mentales ne sont plus aidantes. C’est alors que vous pouvez vous retrouver à faire des choix inconscients (en mode « économie d’énergie ») dont les résultats sont désastreux. Par exemple : Répondre à votre conjoint comme vous l’avez vu faire dans votre famille, dans un film qui vous a marqué, dans vos relations de potes ou dans des lectures. Tout ça, sans vous être rendu compte que vous aviez pré-sélectionné certains types d’expressions relationnelles. 

Dévaloriser votre conjoint est une manière de vous tirer une balle dans le pied

Une des règles universellement admise pour un couple heureux : Ne jamais dévaloriser votre conjoint. Ceux qui me connaissent savent que j’emploie très peu le mot « jamais ». Je tiens à ce que son usage soit réservé au seuls cas dans lesquels il prend son sens. Donc, quand je dis « jamais », c’est effectivement avec l’intention de vous demander de ne faire aucune exception à cette règle. Croyez bien que vous en récolterez les fruits positifs. 

Prévoyant d’écrire un article sur ce sujet, je ne m’étendrai donc pas davantage. Cela dit, je souligne juste la sphère du privée. Quand les mots ont dépassé la pensée, c’est bien souvent en privée. Votre conjoint a fait ou dit quelque chose qui vous a mis « hors de vous ». Vous lui avez donc lancé une phrase « assassine », un jugement, une accusation. Vous avez visé bas, là où vous saviez que ça ferait mal. C’est alors que vous vous êtes tiré une balle dans le pied. 

Vous percevez le décalage qu’il peut y avoir entre « Je fais de toi mon essentiel… » et « Tu n’es vraiment qu’une pauvre… » ? Au moment où votre couple a besoin de s’entendre, parce qu’en plein conflits, en employant une méthode de dévalorisation de l’autre, vous fuyez le sujet phare pour le déplacer sur les épaules de l’autre. C’est une manière indirecte de lui faire porter le chapeau, en fait. Vous sous-entendez que si, il ou elle, n’avait pas eu ce « défaut de fabrication », vous n’en seriez pas là ! Quoi de plus immature que ce comportement à charge ? 

Comment rétablir l’équilibre ?

Je voudrais consacrer le reste de cet article aux solutions lorsque les mots ont dépassé la pensée. 

Avant tout, prenez du temps pour vous. Le but est de créer une distance d’avec vous-même pour vous voir sous d’autres angles. Vous savez qu’en fonction de l’angle sous lequel vous regardez une chose, vous n’en voyez pas les mêmes aspects. Vous le savez mais ne le pratiquez sans doute pas encore assez. Je vous invite donc à l’expérimenter. 

mots blessants
Face aux mots blessants ; la distance s’installe

L’excès est un déséquilibre. Prenez-en conscience.

Quand les mots ont dépassé votre pensée, faites une photo de la situation. Je vous laisse choisir le cliché que vous préférez. Ce peut être le point culminant par exemple (oui, les conflits ont des courbes de progression). Qu’importe, prenez une photo au choix. 

Étape 1 : Regardez votre conjoint 

Imaginez que vous ayez un objectif hyper puissant pour chaque scène que je vais vous inviter à travailler. 

En regardant votre conjoint, centrez votre attention sur la position de son corps : 

  • Est-ce que vous percevez de la tension, de la détente, de la peur. Vous pouvez le lire sur son visage, sur ses mains fermées, ses bras croisés. 
  • Son regard est-il plutôt triste, désespéré, coléreux, jovial ? 
  • Qu’elle est la souffrance que vous percevez ? 
  • Quel est son besoin, son attente ? 

Bon nombre de ces réponses ne sont que spéculations, soyez-en conscient(e). Elles sont tout de même présentes pour vous signaler à quel point vous étiez centré(e) sur vous, peut-être. Prenez donc conscience de n’avoir pas suffisamment prêté attention au vécu de votre conjoint. Interrogez-vous là-dessus. Et si vous aviez centré votre attention sur lui/elle, qu’est-ce qui aurait changé ? Attention, je ne vous invite pas au regret, ni à la culpabilité. Cela ne changera rien au passé. Je vous invite à apprendre de ce qui s’est passé. Quelque part, je vous propose de vivre votre expérience comme une opportunité pour bâtir le présent autrement.

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu :   Arriver à (re)faire confiance (1e partie)

Étape 2 : Regardez vous

Ensuite, changez la focale pour zoomer sur vous seul(e). Portez attention aux mêmes zones d’observation qu’avec votre conjoint : 

  • Votre corps 
  • Vos mains
  • Vos bras
  • Vos jambes 

Visualisez leurs positions. 

A présent, tournez légèrement l’objectif pour voir plus en profondeur. Regardez en vous, sur la photo : 

  • Que ressentiez-vous ? 
  • De quoi aviez-vous peur ? 
  • A quoi aviez-vous besoin d’échapper ? 
  • Qu’est-ce que vous aviez envie de cacher/protéger en vous ?
  • Pourquoi ce besoin ? 

Prenez le temps d’écrire tout cela. 

Étape 3 : Regardez l’événement

Maintenant, faites un zoom-out pour voir l’image toute entière. Prenez conscience du moment où les mots ont dépassé votre pensée. Voyez ce qui s’est vécu juste avant, dans la demie-journée précédente, comme dans les jours avant. Enfin, recherchez dans votre parcours de vie, des images qui collent à cet événement précis. 

Un jour, ma femme est sortie de la chambre et j’ai senti un mal aise en moi. J’ai appliqué cette méthode de l’objectif photo. Elle n’avait rien dit, rien fait. Elle était juste là. Que se passait-il ? Plus je prenais le temps de chercher dans mon album photo mémoriel et plus je me demandais pourquoi j’avais ressenti cette impression étrange. Je la situais dans mon ventre, mouvante. 

Il me fallut quelque heures avant de comprendre. Décidé à le lui dire, elle se mit à m’écouter avec ses grands yeux, que j’adore. Ses yeux s’écarquillèrent encore plus en m’entendant lui décrire mes sensations en relation avec le parfum qu’elle portait ce jour-là. Le même que celui de ma mère ! J’avais vécu un moment difficile, déclenché de manière automatique, sans en être conscient, juste pour un parfum. Tout cela à cause de difficultés relationnelles de mon enfance avec ma mère.

Afin de poursuivre votre prise de recul, une fois que vous avez identifié les images susceptibles de participer à votre réaction, mettez-les de côté. 

Il est possible que l’identification de ces images ne soit pas facile. S’il vous faut du temps, prenez-le. Il m’est arrivé d’avoir besoin de 5 ou 6 jours, voire de semaines, avant de réaliser le lien entre une ou plusieurs images de mon parcours et celles de l’événement. Parfois, seule une partie de l’image peut suffire à corréler les événements. Il est aussi possible que vous n’y parveniez pas du tout dans certains cas. 

Rétablir la relation 

Une fois que vous avez les données en main, il est temps de revenir vers votre conjoint. Choisissez un moment qui lui convienne. Vous pouvez lui demander de vous accorder un moment pour échanger sur un point vous tenant à coeur. Pourquoi pas au cours d’une soirée mémorable.  

Au moment fixé, partagez votre expérience en parlant à la première personne du singulier. Tout votre discours est à baser sur « je ». « J’ai pensé et repensé à ce que nous avons vécu tel jour. Je tiens à ce que tu saches que je l’ai très mal vécu. C’est pourquoi j’ai choisi de prendre du recul pour comprendre la raison pour laquelle j’ai gravement dérapé. J’ai fonctionné en mettant la faute sur toi parce que ça m’arrangeait de tenter de me défiler.

Je sais, maintenant, que j’ai eu tord et voudrais ne plus fonctionner ainsi. Je pense que j’ai agis comme cela parce que je me suis senti(e) ceci ou cela. Avec le recul dont je te parlais tout à l’heure, je vois combien cela fait écho à ceci et cela que j’ai vécu à tel âge en tel lieu avec untel et untel… ». Vous avez compris la direction que je vous propose de prendre. 

J’ai commencé cette article en vous disant « Vous êtes conscient(e) que le problème ne se situe pas dans le choix des mots, mais bel et bien dans la direction. ». Là encore, l’essentiel ne se trouve pas dans le choix des mots mais bien dans la direction. Je vous ai écrit un exemple de début de partage pour souligner la direction. Partez de vous, de votre constat, de votre prise de conscience. De là, vous corrélerez les faits aux causes qui se trouvent en vous et vous éclaire sur votre dysfonctionnement. 

Profitez de ce que vous avez appris sur vous

J’ai l’avantage de ne pas être votre conjoint, alors je peux me permettre de vous demander une chose sans que vous déclenchiez une éventuelle charge émotionnelle-réflexe. Ma demande est la suivante : Ne recommencez plus. 

A vrai dire, c’est la seconde partie de ma demande. J’avoue avoir commencé à l’envers pour une raison simple. Uniquement parce qu’il est plus facile de montrer du doigt l’action que la pensée. Seul(e) vous pouvez identifier les pensées en relation avec vos émotions. Ces pensées responsables du déclenchement de ces mots blessants prononcés. Mais il me paraît important de mettre en place la première partie ce cette demande : engagez-vous à ne plus recommencer. Et vous avez intérêt à réussir. 

La plupart des couples qui se séparent le font à cause d’un raz le bol cumulatif. L’un des deux en a marre de voir se répéter une chose, apparemment insignifiante pour l’autre, et qui revient encore et encore. C’est pourquoi je vous invite à être capable de ne plus recommencer. La dernière fois était la dernière. 

Comment éviter la rechute catastrophique 

Quand vous sentez venir la colère, l’agacement, la déprime ou toute émotion qui vous conduit à dire les mots qui dépassent vos pensées, demandez à votre conjoint de vous envoyer le code. Je m’explique. 

Ma proposition est que vous établissiez un code ensemble. Je vous encourage à choisir quelque chose qui ne vous viendrait pas à l’esprit, ni à l’un, ni à l’autre, pendant que vous êtes en pleine charge émotionnelle. Par exemple, si vous choisissez « chaussette bleue », veuillez à ce qu’il n’y ait aucun lien avec une situation désagréable. Le code doit être neutre ou en relation avec une idée positive. Dans le cas d’une idée positive, si vous aimez tous les deux les pâtisseries, vous pouvez choisir le code « crêpes dentelles ». 

A chaque fois votre conjoint sentira que vous empruntez le chemin vous conduisant à sortir des mots qui dépassent votre pensée, il ou elle, pourra vous donner le code. Ce sera un moyen de vous aider à prendre conscience de la direction dans laquelle vous allez. 

L’avantage du code est qu’il peut être utilisé lors d’un repas de famille ou en public. Personne ne saura ce qui se passe. 

Ce signal sera un moyen de vous freiner avant d’arriver dans le mur. 


Source photo : Pixabay – innokurnia

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