La fonction conjugale interdite

Qu’est-ce que c’est que ce truc ? 

Vous vous posez la question de ce qu’est la « fonction conjugale interdite » ! Je vous explique les conditions de sa survenue dans le couple. Généralement, on l’observe aisément quand l’un des conjoints identifie un problème grave, mais pas que. Cette attitude est souvent inconsciente et peut conduire à une dépendance émotionnelle.

Cette fonction conjugale naît généralement au début, ou même parfois dans l’histoire d’un couple, quand un gros problème survient, et que l’un des deux décide de venir en aide à son conjoint. Alors, on va dire « oui, mais c’est quand même normal qu’on veuille aider son conjoint ». Oui, dans une certaine mesure. Oui, et avec quelle intention ? 

Une fonction à s’interdire

Parce qu’en fait, c’est ça, c’est l’intention, qui va déterminer le moment où la bascule se fera vers une relation que j’invite à s’interdire. Ce n’est pas que cette dernière serait interdite par la loi. C’est une fonction que je vous demande de vous interdire à vous-même en vous disant « Je refuse de jouer ce rôle-là, je refuse de faire ça ». 

Notamment dans le couple naissant, puisque je vais aller vers une approche chronologique. On a des couples qui décident de se mettre ensemble sans vraiment savoir ce qui a attiré l’un et l’autre. Et puis il faut des années pour se rendre compte qu’en fait, comme le disait quelqu’un : « j’ai été attirée par lui parce que je le trouvais fragile, sensible dans son coin et j’ai trouvé ça très tendre ». 

Or, elle ne s’est pas rendu compte qu’en réalité, elle était en train d’entamer une relation amoureuse avec quelqu’un dont la fragilité était une force. Et cette fragilité pouvait être une force dans le but inconscient, bien entendu, de faire en sorte d’attirer l’attention, d’attirer l’affection et la sensibilité de quelqu’un d’autre pour venir à son secours, venir le sauver. 

On est un petit peu dans le jeu du prince ou de la princesse. Et je fais exprès de l’enlever du cliché sexuel masculin parce que ça fonctionne dans l’autre sens. Donc je vais prendre plutôt la princesse qui va aller délivrer le prince qui est coincé dans un donjon. 

Ça peut être le donjon de son éducation, le donjon de sa mésestime, le donjon de son impression d’incapacité, le donjon de sa marginalité. Quelqu’un qui est à part parce qu’il a un profil, des attitudes sont rejetées par le reste de la société ou par sa famille. 

Le mythe d’un super-pouvoir

Et l’autre conjoint qui passe par là sera épris d’une sorte d’affection et d’amour naissant pour les spécificités présentes dans son conjoint. Quelque part, j’évoque ce que l’on se raconte dans nos pensées, « avec moi, ce sera différent », ou « avec moi, il sera plus heureux » ou « avec moi, elle sera plus ceci et moins cela et les choses iront bien ». J’y crois et c’est tellement beau ! Vraiment. 

En disant ça, il n’y a aucune trace d’ironie, mais plutôt une sensibilité envers une démarche profondément bienveillante, qui néanmoins comporte un risque de déviation. Car amorcer une relation, surtout amoureuse, avec quelqu’un que l’on perçoit comme sensible, fragile, et ayant besoin de notre aide, est en soi un dysfonctionnement. À ce stade, nous pouvons prendre conscience que nous sommes bien nombreux à dysfonctionnel, n’est-ce pas ? 

Le signal de la dépendance en vue de la réparation de soi

Ce qui est intéressant, c’est que ça nous apprend à nous-mêmes que l’on est bien dans une dépendance émotionnelle. On cherche à être valorisé, chose dont on n’est pas forcément conscient. 

Attention, Madame ou Monsieur qui m’écoutez, ne vous dites pas « oui, effectivement, j’étais conscient·e » ou bien « ce n’est pas vrai parce que je n’en étais pas conscient ». 

Parfois, les débuts d’une relation peuvent avoir l’avantage de renforcer notre estime de nous-mêmes. Cela pousse certaines personnes à quitter des relations établies au profit de nouvelles où elles se sentent plus valorisées. Il n’y a rien de surprenant à cela, en fait. 

Enfin, je dis parfois quand j’affirme que « la naissance relationnelle a parfois l’avantage de nous valoriser » pour ne pas dire toujours. Mais de manière encore plus de significative, cette fragilité de la dépendance émotionnelle ou affective se manifeste quand on n’arrive pas soi-même à remplir son propre réservoir émotionnel

Je vous renvoie vers le travail q du Dr Ross Campbell. Il le développe notamment dans un livre qui s’intituleL’adolescent, Le défi de l’amour inconditionnel, (disponible uniquement en livre d’occasion) dans lequel il présente le principe du réservoir émotionnel qui serait à remplir. Or, quand ce réservoir émotionnel n’est pas assez rempli et qu’on utilise quelqu’un pour le remplir, ça nous permet de comprendre qu’on est dans cette dépendance émotionnelle ou affective. On utilise l’autre à ses dépendant pour son propre bénéfice. Eh dire que l’on confond souvent cette approche avec de l’amour

Se regarder dans la glace

Si vous vous sentez cette sensibilité, penchez-vous sur ce sujet. Cherchez à vous documenter sur ce qu’est la dépendance affective (lien pour aller plus loin). 

Nous privilégions cette façon de nous comporter dans une relation avec quelqu’un que nous considérons comme fragile. Nous apprécions l’idée qu’ils dépendent de nous. L’une des raisons de cela est que cela nous donne un sentiment d’importance, et nous trouvons du sens lorsque nous rencontrons quelqu’un en quête de soutien et de secours.

Pour reprendre l’image de la princesse qui va sauver le prince, prisonnier dans le donjon, quelle que soit la symbolique donnée au donjon, on appelle cela le syndrome du sauveur en psychologie. Ce dernier caractérise des personnes qui ont tendance à se sacrifier au bénéfice des autres et qui finalement incitent l’admiration. Et ce n’est pas forcément le bénéficiaire de l’amour qui admirera son « sauveur ». Ça peut aussi être l’entourage qui dira « Wow, c’est magnifique ce que tu as fait pour lui ou pour elle. Vraiment, je l’admire. C’est beau, vraiment. Tu l’as tiré de ceci ou tu as fait ça pour lui ? Tu as tant donné ». 

Parfois on se sert tout seul en se disant « j’ai fait vraiment beaucoup pour lui et grâce à moi…», ou « vous savez, il en était là. Voilà…». Il peut arriver que l’on dise à l’intéressé bénéficiaire « Te rends-tu compte de tout ce que j’ai fait pour toi ? ». Et parfois, on ne le dit pas, mais on pense « J’ai fait ça pour lui. Avant, c’était un vaurien, c’était un minable. Il était comme ceci et comme cela. J’ai participé à faire le construire…». 

Un altruisme déguisé aux racines invisibles

Même si le sauveur a des capacités altruistes, qui sont assez intéressantes, ce syndrome démontre le besoin de recevoir une gratitude permanente, donc égocentrée. On donne donc le dos à l’altruisme gratuit. C’est en lien direct avec ce que je vous disais plus haut sur le remplissage du vase émotionnel. 

Si vous êtes dans cette situation, vous pouvez savoir sans chercher midi à quatorze heures, que les racines de votre démarche se trouvent dans votre enfance. Du coup, vous pouvez vous poser les questions suivantes : 

  • Qu’est-ce qui s’est passé dans mon enfance qui fait que j’ai choisi de créer un couple dans lequel je veux être un réparateur, un sauveur, un sauveteur, une aide ? Que s’est-il passé ? 
  • Comment mes parents vivaient ils l’amour et le don ? 
  • Ai-je admiré ma mère qui prenait soin de mon père ou l’inverse ? Et du coup, cette admiration a fait que je me suis dit que je voudrais être comme mon père ou comme ma mère et du coup endosser également ce rôle du sauveur. 
  • Aurais-je été touché par un de mes parents pour lesquels j’ai été dans l’impuissance face à ce qu’il a vécu ? Peut-être l’un ou l’autre vivait une forme d’addiction dans la dépression, l’alcoolisme, la violence ou autres. Du coup, je me suis senti tellement impuissant que je me suis juré de ne plus l’être face à quelqu’un d’autre. Et par conséquent, j’ai cherché un partenaire avec lequel je me sentais puissant, puisque ça participe à nourrir ma propre admiration, mon auto-admiration, comme l’admiration de mon entourage. 
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Qu’est-ce qui s’est passé dans mon enfance ? est une question clé. 

D’ailleurs pour information, bien des personnes qui vivent leur activité professionnelle de soignants ou d’aidant dans les milieux sociaux et socio-médicaux sont de celles qui ne sont pas forcément conscientes de chercher à susciter l’auto-admiration et l’admiration des autres. Elles sont en quête de sens. Dans ces fonctions se cache, entre autres, le rôle de sauveur. Je sais pertinemment que mon activité professionnelle révèle aussi cette recherche en moi ;-). Et je me soigne autant que possible. 

Quels couples seraient à l’abri de la fonction conjugale interdite ?

J’ai dit que ça pouvait être un piège des débuts d’une relation amoureuse à deux. Mais ça peut aussi survenir dans un couple à un moment donné, soudainement. Si l’un ou l’autre fait face à une maladie grave, cela peut survenir. Idem si l’un ou l’autre fait une dépression, un burn-in ou un burn-out. Qu’un des conjoint n’en peut plus, perd son emploi, passe par un accident de la vie. Alors, le piège peut se déployer vers l’autre conjoint qui peut penser « je ne peux pas le laisser tout seul » et, par conséquent, pour pallier l’émergence d’une possible culpabilité, on va mettre sa cape de sauveur pour soutenir son conjoint. 

Et une manière de panser sa culpabilité consiste à de se dire, « c’est à moi de le faire. En fait, si je me sens incapable ou que je dis que je ne veux pas être son sauveur, je me sentirai alors coupable de quelque chose. C’est bien mon rôle d’être auprès de lui ou auprès d’elle. Oui, en effet, mais tout dépend pourquoi vous êtes auprès de votre conjoint. 

Le choix de la maturité

Il est plus mature et responsable de prendre la mesure dans un échange conjugal pour se dire ce que l’un attend de l’autre ; « Comment veux-tu être aidé ? ». Le gros avantage, quand on est face à un adulte, c’est de pouvoir entendre de lui ce qui l’aiderait. C’est un moyen de se préserver de « j’aurais aimé qu’on fasse les choses de telle façon pour moi, donc je ferai comme ça pour lui/elle ». 

Souvenons-nous que les deux membres du couple ne parlent pas forcément le même langage de l’amour. Ils n’ont sans doute pas les mêmes besoins. Et même si les besoins rencontrent des points communs, la réponse attendue peut différer. 

C’est donc posément, en se regardant dans les yeux, en s’écoutant avec attention que l’on peut apprendre et comprendre comment le conjoint atteint par une maladie, une difficulté, un accident de la vie aurait besoin d’être accompagné. 

Le bénéfice du vivant

Attention, comme il est vivant, les besoins de votre conjoint seront mouvants. Parce qu’en plus, quand on aura répondu à tel besoin, si l’on a choisi d’y répondre et qu’on est en mesure de le faire, d’autres besoins émergeront. C’est le phénomène des poupées russes du besoin, quelque part, il s’agit de phénomènes en chaîne. 

Après, je voudrais juste vous dire que vous avez la liberté entière, puisque vous êtes auteur (comme on l’a dit dans une émission précédente) d’écrire votre vie comme bon vous semble. Vous n’êtes pas dans l’obligation de vous rendre serviteur dans les moindres détails de ce que votre conjoint vous demande

Bien des choses peuvent être déléguées. La délégation peut être bienvenue parce que : 

  • vous n’avez pas envie de faire une chose, 
  • c’est trop lourd pour vous, 
  • vous êtes prêt à aller jusqu’à une certaine limite de ce qu’attend votre conjoint et que me reste vous paraît trop demandé, 
  • Etc.

En-tout-cas, mieux vaut que des choses soit posées, clarifiées, verbalisées. Cela vous évitera de porter un rôle qui pourrait vous paître trop pesant. Et, plus encore, d’endosser celui de sauveur.  Ainsi, vous pourrez partager la charge de ce que vous ne voulez pas porter avec quelqu’un d’autre.

Quand je dis quelqu’un d’autre, c’est trop limitatif. Il serait plus juste de parler de plusieurs autres.  Ces quelques autres peuvent être des aides de la famille, des amis, des voisins, des copains, des copines, des collègues, etc.

Exercer votre liberté sans culpabilité

J’insiste sur le fait que vous n’êtes pas tenus de porter une charge que vous ne voulez pas ou ne pouvez pas porter. Surtout, vivez le choix de porter cette charge avec une véritable bienveillance à votre égard, s’il vous plaît. Quoi que vous viviez, surtout dans le refus de porter la charge demandée, vivez-le sans culpabilité. 

Quand vous voulez aider, allez-y. Mais souvenez-vous de soutenir sans jamais chercher à sauver. Il importe de le faire avec une saine motivation. D’ailleurs, si vous ne prenez pas de recul pour assainir votre acceptation, vous pourriez le faire avec deux motivations : 

Agir pour…

1. La première, qui a tendance à nourrir le syndrome du sauveur, c’est celle de le faire pour être aimé. C’est une façon d’agir pour : 

  • obtenir, 
  • être regardé, 
  • être admiré, 
  • s’admirer parce que ça nous fait du bien. 

Et ça, ce sont des signes qui peuvent être facilement décelables. Vous pouvez les observer en vous demande, « qu’est ce qui fait que j’agis comme ça avec lui ou avec elle ? Qu’est-ce qui me motive ? Dans quel but je le fais ? Qu’est-ce que je vais y gagner ?

Dans cette dynamique de l’interrogation vers ce que je vais y gagner, je prends conscience de ma motivation. Je réalise agir pour…, dans l’attente d’une récompense, d’une reconnaissance. En somme, ce n’est pas un acte gratuit.  

Par conséquent, je peux peut-être commencer à corriger mon fonctionnement en m’interrogeant :

  • Si je n’y gagnais rien, est ce que je le ferais quand même ? 
  • Qu’est-ce que je ferais si je n’y gagnais pas du tout et que mon conjoint était le seul bénéficiaire ? 

Grâce aux réponses à ces deux questions, on pourra trier ses choix. Et dès que l’on sentira vouloir obtenir des mérites, ce sera le signe du besoin de déléguer ou de refuser. 

Choisissez de ne plus rien accepter dans le but que l’on vous admire. 

Agir parce que…

2. La deuxième dynamique dans laquelle on peut s’installer dans une démarche d’accompagnement, de quelqu’un qui passe par un moment difficile, c’est de le faire parce que… En conséquence, on choisira d’accepter parce qu‘on aime au lieu de le faire pour être aimé.

D’ailleurs, on peut agir par amour même si l’autre ne nous aime pas, finalement. Même si le conjoint est agaçant, qu’il ne veut plus nous voir, le ferais quand même. 

Vous avez perçu que dans le premier cas, si mon conjoint ne m’applaudit pas, je ne ferai plus ce qu’il a demandé, à l’avenir. 

défis conjugaux et soliutions

Note importante

Attention tout de même de ne pas s’enfermer dans le parce que en disant que c’est parce que je l’aime, et bien qu’il ne me supporte plus, je le ferais quand même ! 

Je pense, notamment, à une situation dont l’un des conjoints pourrait être atteint d’une maladie neuro-dégénérative de type Alzheimer, par exemple. Dans ce genre de pathologie, on peut devenir verbalement ou physiquement violent, avec des manifestions de rejet très fortes. Cela peut conduire à porter une possible culpabilité de se dire « je ne le supporte plus, j’en ai marre, je ne veux plus…». 

Si tel est le cas, acceptez vous avec bienveillance dans vos propres limites. Ça veut dire que vous percevez des signaux de détresse. Ils s’allument pour vous dire que vous avez touché à des limites, personnelles. Il vous invite, en conséquence, à vous respecter. 

Personne ne demande que vous soyez un sur-homme ou une sur-femme. Vous n’êtes pas en mesure de tout supporter. Tout ce que vous vivez avec votre conjoint, surtout si ça dépasse le cadre de vos compétences, de vos aptitudes, de vos capacités peut légitimement vous dépasser. 

De fait, si c’est trop dur pour vous, demandez de l’aide. 

La conclusion 

La fonction conjugale interdite consiste à se dire que vous allez tout porter ou allez tout faire. Vous pensez pourvoir supporterez ce que vous vivez tout seul. En plus, vous aspirez à en tirer de la gloire, au passage. Tout faire pour que votre conjoint soit heureux est votre leitmotiv. Vous tenez à ce que ça aille bien, que tout soit formidable. Non. 

Reconnaissez que vous êtes qui vous êtes, avec vos limites, vos capacités d’aimer et vos incapacités d’aimer avec bienveillance. Pourquoi ? Parce que vous êtes humain, avec vos capacités et vos incapacités. Quand votre capacité est clairement manifester, allez y, pour autant que votre démarche ne soit pas de récupérer un avantage, au passage. Vous vous en souvenez ?

Quand votre capacité commence à devenir floue, demandez de l’aide. Déléguez, partagez ! Ça vous permettra peut-être de continuer à vivre une relation saine avec votre conjoint. Parce que ce n’est pas vous qui aurez la fonction que j’appelle la fonction conjugale interdite dont fait partie la posture du sauveur. Vous laisserez un autre acteur endosser ce rôle. Ce sera un thérapeute, un aidant, un accompagnant, un professionnel, quel qu’il soit. 

En définitive, quand vous verrez votre conjoint, vous aurez un rôle ou une fonction de conjoint. C’est déjà tellement, en fin de compter ! 

Lisez cet article ci vous l’avez manqué : Ne changez surtout pas pour faire plaisir à votre conjoint

2 commentaires

  1. Merci pour ce formidable article que tout le monde devrait lire! Je trouve que le syndrome du sauveur est omniprésent et s’en rendre compte est indispensable !

    1. Merci Marion pour ton retour. Je partage ton avis sur le fait qu’il serait pertinent que tout le monde connaisse le syndrome du sauveur dans une relation de couple. C’est la raison pour laquelle je t’encourage à partager ce podcast.
      Je te souhaite une belle aventure au sein de la communauté Couple Heureux.

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